- Les décisions rendues en matière de divorce par une juridiction d’un État membre (dont l’Espagne) « sont reconnues de plein droit dans les autres États membres », ce régime résultant du règlement (UE) 2019/1111 dit « Bruxelles II ter » et s’appliquant à tous les États membres sauf le Danemark (« Les décisions rendues en matière de divorce par une juridiction d’un État membre sont reconnues de plein droit dans les autres États membres »). (« La question est réglée par le règlement 2019/1111 du 25 juin 2019 […] dit « règlement Bruxelles II ter ». Ce règlement lie l’ensemble des États membres de l’Union européenne, à l’exception du Danemark »)
- Déjà sous le règlement « Bruxelles II bis », la reconnaissance des décisions de divorce, séparation de corps ou annulation « sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure » était posée, principe qui demeure et illustre la confiance mutuelle entre États membres (passage de plus de deux ans) (« la décision rendue dans un Etat membre qui prononce le divorce, la séparation de corps ou l’annulation du mariage est reconnue dans les autres Etats membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure (art. 21, § 1) »)
Mise à jour de l’état civil et reconnaissance de plein droit
- Aucune procédure préalable n’est exigée pour la mise à jour des actes d’état civil français sur la base d’un jugement espagnol de divorce définitif rendu par une juridiction d’un État membre (Bruxelles II ter)
- Si le mariage n’a jamais été transcrit, il faut d’abord le transcrire avant de transcrire le divorce, avec la possibilité de démarches simultanées auprès de l’officier d’état civil ou de l’autorité consulaire lorsque mariage et divorce ont eu lieu dans le même État membre
Demande de reconnaissance ou de non‑reconnaissance et sursis à statuer
- Toute partie intéressée peut demander en France une décision de reconnaissance ou de non‑reconnaissance d’un jugement espagnol, et le juge peut surseoir si la décision fait l’objet d’un recours dans l’État d’origine (Bruxelles II ter)
- Déjà sous Bruxelles II bis, le droit français connaissait la demande principale d’« opposabilité » (reconnaissance) devant le président du TGI/Tribunal judiciaire, ainsi que la reconnaissance à titre incident, afin de « purger la situation de toute équivoque ».
Motifs limités de refus de reconnaissance en matière matrimoniale
- Sous Bruxelles II ter, la non‑reconnaissance d’un jugement de divorce espagnol n’est possible que pour une liste limitative de cas, notamment l’ordre public manifeste, le défaut de signification en temps utile en cas de défaillance, et l’inconciliabilité avec une décision antérieure ou postérieure entre les mêmes parties (Bruxelles II ter)
- Sous Bruxelles II bis, ces motifs existaient déjà et le juge ne pouvait ni contrôler la compétence du juge d’origine, ni réviser le fond, ce qui demeure l’esprit du droit actuel
- Décisions relatives à la responsabilité parentale (garde, droit de visite, retour)
- En matière de responsabilité parentale, sous Bruxelles II bis, la reconnaissance suit un régime de confiance avec des motifs de refus limités, comprenant notamment l’intérêt supérieur de l’enfant/ordre public, les droits de la défense, l’audition de l’enfant, et l’inconciliabilité
- Certaines décisions (droit de visite et retour de l’enfant) pouvaient circuler sans exequatur, sur présentation d’un certificat par le juge d’origine, emportant force exécutoire dans les autres États membres
- La procédure de reconnaissance pouvait aussi être engagée à titre principal ou à titre incident devant le juge français, avec production de la décision et des certificats prévus, notamment en cas de jugement par défaut pour prouver la notification de l’acte introductif (Exécution forcée en France: exequatur, titres exécutoires et délais
- En droit français des voies d’exécution, un jugement étranger n’est exécutoire qu’après une décision d’exequatur non susceptible d’un recours suspensif, sauf dispositions de l’Union européenne qui prévoient des régimes spéciaux de circulation des décisions
- L’exequatur n’est pas en soi un acte d’exécution, mais il conditionne toute mesure de contrainte sur les biens ou les personnes en France, ce contrôle a priori évitant des perturbations liées à d’éventuelles irrégularités internationales
- Une fois l’exequatur obtenu, le jugement étranger devient un titre exécutoire en France, les intérêts moratoires courant à compter de la décision d’exequatur et l’exécution pouvant être poursuivie pendant dix ans à compter de cette décision
- En France, la demande de reconnaissance ou de non‑reconnaissance (ou d’exequatur) d’une décision étrangère est traditionnellement portée devant le président du tribunal (ancien TGI, désormais tribunal judiciaire) selon l’article 509-2 du code de procédure civile
- Par ailleurs, le tribunal judiciaire du lieu où demeure le débiteur connaît « des demandes en reconnaissance et en exequatur des décisions judiciaires et actes publics étrangers », à juge unique (COJ, art. R. 212-8, 2°)
- Portée temporelle: décisions espagnoles anciennes et régimes applicables
- Les décisions rendues sous l’empire de Bruxelles II ou en périodes transitoires restent régies pour leur reconnaissance par les clauses temporelles de ces instruments, Bruxelles II bis ayant un champ d’application étendu pour les décisions rendues après le 1er mars 2005 selon l’art. 64
Synthèse pratique
- Pour un divorce espagnol: reconnaissance de plein droit en France, mise à jour d’état civil sans procédure préalable, avec motifs de refus strictement limités et impossibilité de révision au fond.
- Pour la garde/droit de visite/retour: reconnaissance avec motifs limités tenant à l’intérêt supérieur de l’enfant et aux garanties procédurales, et, pour certaines décisions (droit de visite/retour), exécution possible sur certificat sans exequatur
- Pour l’exécution forcée (saisie, contrainte) en France: nécessité d’une exequatur pour transformer la décision en titre exécutoire, sous réserve des régimes spécifiques de l’UE, avec intérêts et délai de 10 ans courant à compter de l’exequatur.